La pratique du greffage a probablement débuté il y a 2500 ans en Chine. Au IIème siècle avant J.-C., on trouve déjà des descriptions de la greffe en fente, de l’écussonnage et de la greffe en couronne… Pourtant, aux yeux d’un grand nombre de personnes, greffer est un acte assez mystérieux, voir mystique. Observons le fonctionnement de nos arbres pour comprendre comment et pourquoi greffer.
Pourquoi greffer ?
La graine des arbres fruitiers est, selon l’espèce, un pépin ou un noyau (son amande plus précisément). On peut donc planter une de ces graines pour produire un arbre. Un pépin de pommier, par exemple, donnera bien un pommier. Mais ce nouveau pommier ne présentera pas les mêmes caractéristiques que l’arbre qui a porté la pomme dont est issu le pépin.
La reproduction sexuée
En effet, le pépin résulte du développement d’un embryon issu d’une fécondation sexuée rendue possible par un entremetteur, le pollinisateur. Le bourdon qui visite les fleurs au printemps assure le transport du pollen d’une fleur sur le pistil d’une autre. Le pollen va germer et émettre un tube pollinique qui déposera un gamète dans l’ovaire de la fleur. Ce gamète fécondera un ovule.
De cette union naîtra un embryon qui aura pour gènes un assemblage aléatoire de ceux de la mère (la fleur) et de ceux du père (le pollen). Cet embryon va se développer tout l’été pour devenir une graine (pépin ou noyau.)
Ce que nous appelons le fruit, c’est le développement du réceptacle de la fleur qui se charge de matières nutritives pour subvenir aux premiers besoins du jeune arbre issu de la germination de la graine.
Donc, quel que soit le pollen qui féconde une fleur, le fruit obtenu sera toujours le même puisque c’est un grossissement du réceptacle. Par contre, chaque graine sera différente puisqu’elle a son propre patrimoine génétique. Comment ce patrimoine génétique se traduira-t-il dans le nouvel arbre obtenu ? Pour le savoir, il faut semer la graine et attendre 10, 12, voire 15 ans pour que l’arbre produise ses premiers fruits qui seront obligatoirement différents des parents. Avec de la chance, on peut obtenir une nouvelle variété intéressante, mais le plus souvent on assiste à un retour vers le sauvage.
La multiplication végétative (clonage)
Il existe différentes méthodes bien connues par les jardiniers : marcottage, bouturage, greffage…
Le marcottage et le bouturage consistent à faire émettre des racines à un rameau, et ainsi de pouvoir le replanter.
Cette méthode très usitée pour les groseilliers, cassissiers, ne convient pas bien aux pommiers, poiriers, cerisiers, etc. qui n’ont pas ou peu d’aptitude pour développer des racines sur un rameau. Pour ces espèces, il faudra donc pratiquer la greffe pour multiplier leurs variétés.
Le greffage
Il consiste à faire cohabiter deux individus :
- Le premier fournira les racines et la sève brute. C’est le porte-greffe.
- Le second est un fragment de rameau de la variété que l’on veut multiplier. ll apportera les branches, fleurs, feuilles, fruits et la sève élaborée ; il s’agit du greffon.
Comment ça marche ?
Pour que notre greffe réussisse, il faut que certains tissus du porte-greffe et du greffon se soudent, et que les canaux de transport de la sève brute et de la sève élaborée se reconstituent rapidement pour permettre la survie du greffon.
Le tissu particulier qui permet cette soudure est le cambium. Ce tissu se développe pour former sous l’écorce le liber où circule la sève élaborée et de l’autre côté l’aubier où passe la sève brute. Cette zone assure l’accroissement du diamètre des branches mais aussi celui du bourrelet qui cicatrise les plaies.
Le principe fondamental à respecter, quelle que soit la technique utilisée, est de mettre en contact le cambium du porte-greffe avec celui du greffon.
Le greffage, contrairement au bouturage, permet de choisir un porte-greffe possédant des caractéristiques particulières : vigueur, adaptation au sol, résistances à des maladies ou sensibilité aux ravageurs, etc. Il faut néanmoins qu’il ait une bonne affinité avec le greffon et qu’il soit compatible avec l’espèce fruitière.
La compatibilité est toujours vraie entre même espèce (entre pommiers, entre poiriers, etc.). Parfois, des compatibilités entre espèces sont possibles comme par exemple la greffe de poirier sur cognassier, la greffe d’abricotier sur prunier.
Les techniques de greffe
Elles sont multiples. Il est intéressant de maîtriser plusieurs techniques pour parvenir à greffer en toutes circonstances.
Période | Ex. de technique | |
Greffes à œil poussant : greffes de fin d’hiver ou de printemps réalisées avec des greffons prélevés en janvier-février. | Le porte-greffe n’est pas en sève, l’écorce ne se décolle pas. | Greffe à l’anglaise, greffe en fente. |
Greffes à œil poussant | Le porte-greffe est en sève. | Greffe en couronne. |
Greffes à œil dormant : greffes d’été ou d’automne réalisées avec des greffons prélevés immédiatement. | Greffe en écusson, chipp budding. |
Exemple de la greffe à l’anglaise « compliquée »
(Illustration des croqueurs de pommes)
Les conditions de réussite d’une greffe
Pour réussir une greffe, il est nécessaire que :
- le porte-greffe et le greffon soient compatibles,
- les cambiums du porte-greffe et du greffon soient en contact,
- le greffon porte des bourgeons viables et producteurs de bois (et non des bourgeons floraux),
- pour les greffes à œil poussant, le porte greffe doit être en sève avant le greffon (pour éviter que celui-ci ne se dessèche).
Quelques conseils…
D’autres facteurs sont favorables à la reprise du greffon :
- Utiliser des outils très tranchants, propres et désinfectés.
- S’entraîner pour être capable d’effectuer une coupe franche rapidement.
- Travailler vite, en dehors des heures les plus chaudes de la journée et des courants d’air afin d’éviter le dessèchement des tissus.
- Choisir des porte-greffes et greffons en bon état sanitaire.
- Bien étanchéifier et ligaturer la greffe.
- Éviter de greffer juste avant une période de forte bise.
- Conserver quand c’est possible un tire-sève sur le porte-greffe pour favoriser la circulation de sève.
- Assurer un suivi : couper la ligature si elle risque d’étrangler le greffon, attention aux pucerons, tuteurer la pousse si nécessaire, supprimer le tire-sève et les pousses situées sous le point de greffe, en cas de reprise multiple ne conserver qu’un greffon.
- Conserver les greffons (greffe à œil poussant) prélevés en janvier/février horizontalement, étiquetés dans un lieu sombre, froid, et humide (en attendant le greffage en mars/avril). Les greffons roulés dans un torchon humide, stockés dans un sac « poubelle » noir et allongés dans le bac à légumes du réfrigérateur se conservent très bien plusieurs mois. Prélever vos greffons dans du bois d’un an (dernière pousse).
Fiches techniques à venir :
- Les porte-greffes (caractéristiques et compatibilités).
- Les techniques de greffe.
Pour en savoir plus…
– Ouvrages consultables à Vergers Vivants (F) ou à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH) : – J’apprends à greffer mes arbres fruitiers – Alain Pontoppidan (Ed.Terre Vivante) – Le greffage et la plantation des arbres fruitiers : Les techniques mes plus actuelles – Evelyne LETERME (Ed. Rouergue) |
– Conseils de Vergers Vivants (F) – Conseil auprès des Croqueurs de pommes (F) – Conseils à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH) |