La mise en fermentation des fruits est une étape importante pour obtenir une eau-de-vie de qualité. Souvent, le bouilleur opère comme lui avait appris son père ou son grand père. Sans vouloir dévaloriser ces connaissances anciennes et empiriques, cette fiche cherche à faire le point sur les connaissances actuelles et accessibles à tous bouilleurs de crus. Cette fiche concerne pour l’essentiel la distillation des fruits à pépins et à noyaux (par opposition avec les baies, marcs, vins et cidres, racines).
1. Principe de la fermentation
La fermentation est un phénomène naturel. Dans notre cas, la fermentation alcoolique est une réaction qui se fait par l’intermédiaire de levures, et qui va transformer les sucres fermentescibles en alcool et en gaz carbonique (CO2). L’alcool que l’on cherche à isoler est l’éthanol. La fermentation produit d’autres alcools potentiellement dangereux comme le méthanol (hautement toxique) que nous écarterons lors de la distillation.
La fermentation alcoolique se fait à l’abri du dioxygène. Il faudra donc éviter que nos matières soient en contact avec l’air, ce qui pourrait entrainer d’autres réactions qui nuiraient au rendement et au goût du produit recherché.
2. La matière première
La qualité de la matière première conditionne la qualité de votre eau-de-vie. Il est impératif de récolter des fruits sains et matures qui vous garantissent une teneur en sucre et en arôme optimum.
Plus la teneur en sucre est forte, plus le rendement alcoolique sera important. La pratique de la chaptalisation (ajout de sucre) est interdite, ce n’est pas une solution pour compenser des fruits non matures puisque les arômes resteront très pauvres, et des défauts de fermentation peuvent apparaître.
3. Les récipients de fermentation
Autrefois, on utilisait essentiellement les fûts en bois pour la distillation. Aujourd’hui, ils ont un rôle important dans le vieillissement des distillats, mais ils présentent de nombreux inconvénients pour la mise en fermentation des moûts (nettoyage, goût, étanchéité, perte alcoolique, etc.).
On conseille aujourd’hui les récipients en matière plastique alimentaire (il faut proscrire tous les anciens fûts de stockage de matière chimique) et en acier inoxydable. Il est essentiel que les fûts soient étanches, vérifiez et changer au besoin les joints.
Il est important de remplir le fût au maximum à 80 % de son volume pour permettre les remontées de matière au moment de la fermentation.
Par ailleurs ; utilisez des fûts adaptés à la quantité de fruit récoltée. N’hésitez pas à faire deux petits fûts plutôt qu’un grand, ils seront plus facilement transportables et plus rapidement remplis.
Il est nécessaire de nettoyer ces récipients dès leur vidage et avant remplissage, sans altérer leur surface et en veillant à bien les rincer.
4. Préparation et traitement des moûts
Cette étape vise à optimiser les conditions de la fermentation, on parle de fermentation contrôlée. Les étapes suivantes n’ont pas le même degré d’importance selon le type de fruit traité.
Nettoyage et broyage des fruits
Le nettoyage des fruits sert à éliminer boue, pierre, terre, feuilles (et queues pour les fruits à noyaux) qui peuvent y adhérer. Le broyage doit être le plus fin possible. Il faut prendre garde de ne pas casser les noyaux des fruits qui contiennent de l’acide cyanhydrique. Il faut enlever 80 % des noyaux des pêches et abricots, conserver ceux des cerises et mirabelles, et selon ses goût, ôter une partie des noyaux de quetsches.
Il est possible d’utiliser un broyeur pour les fruits à pépins ou un mélangeur à peinture adapté sur une perceuse pour les autres fruits. Un moût très liquide évitera la formation de zone dure et permettra un bon mélange des adjuvants qui suivent.
Acidification des moûts
L’acidification du moût limite les risques de développement de bactéries nuisibles à la qualité de notre produit. Elle n’est utile que pour des moûts peu acides naturellement. Pour le savoir, il faut mesurer le pH de votre moût à l’aide de bandelette test. Celui-ci doit être dans l’idéal inférieur à 3,2. L’acidification est aussi recommandée pour des moûts qui resteront stocké longtemps avant distillation.
Enzymes
L’utilisation d’enzymes pectiques permet l’hydrolysation des pectines dont un des rôles est de maintenir entre eux les tissus végétaux. Avec la maturation des fruits, ce squelette se relâche naturellement. Les enzymes accélère ce phénomène naturel et permettent une liquéfaction du moût plus rapide, ce qui favorise notre fermentation alcoolique. Les enzymes ne sont efficaces qu’à une température suffisante de la matière. Le dosage des enzymes se fait selon la notice du fabricant.
Levures
Le moût contient naturellement diverses levures responsables de fermentation spontanée. L’ajout de levures sélectionnées présente pourtant de nombreux avantages : forte production d’alcool, bonne résistance aux températures, faible production de sous-produits de la fermentation (fusel, glycérine, etc.).
Les levures ont besoin d’apports nutritifs pour se multiplier et fermenter. Ces substances ne sont pas toujours présentes en quantité suffisantes dans le moût, ainsi pour s’assurer d’une fermentation optimale, il est possible d’ajouter à notre matière des sels de fermentation et éviter ainsi des ralentissements de fermentation.
Les levures sélectionnées se présentent de plus en plus souvent sous forme déshydratée, ce qui permet une meilleure conservation. Il est recommandé de diluer ces levures dans 10 fois leur volume en eau à 37°C environ (attention, une eau trop chaude peut tuer les levures !). Laisser les reposer 15 minutes à cette température avant de les mélanger uniformément à votre moût. Le dosage est précisé par le fournisseur. Il faut ajouter les levures sélectionnées avant tous départs de fermentations spontanées qui annihileraient leur effet.
Après ces ajouts, vous pouvez fermer votre récipient.
Fermeture des récipients
Pour éviter au moût de rentrer en contact avec l’air, il faut vérifier l’étanchéité de son contenant et l’équiper d’une bonde aseptique qui permet l’évacuation du gaz carbonique mais empêche l’entrée d’air nuisible à notre fermentation. Cette bonde peut être « faite maison » mais elle est essentielle pour éviter une explosion du récipient.
5. Déroulement de la fermentation
Il est important de stocker vos récipients dans un local chauffé à une température dans l’idéal de 18-20°C. Il peut être utile d’isoler le récipient du sol à l’aide d’une palette en bois par exemple. A cette température, il faudra compter une durée de fermentation apparente de 10 à 15 jours au minimum. Vous pouvez facilement contrôler l’activité de la fermentation en observant les mouvements de la bonde aseptique.
On pourra brasser la matière au 3ème, 6ème et 9ème jour de fermentation en limitant autant que possible le contact à l’air.
6. Stockage des fûts avant distillation
Les moûts fermentés peuvent être stockés pendant 7 à 8 semaines sans risques majeurs. Il est conseillé de distiller rapidement les matières pour limiter les risques de développement bactérien et microbien.
Cette méthode de mise en fermentation n’est pas une solution « miracle » pour obtenir un bonne eau de vie à partir de fruits de mauvaise qualité. Elle permet uniquement d’optimiser la phase de fermentation pour obtenir le meilleur produit possible. La technique de distillation et de finition sont deux autres étapes importantes pour élaborer une bonne eau-de-vie .
Pour aller plus loin…
Ouvrages consultables à Vergers Vivants (F) ou à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH) : Guide pratique pour une distillation traditionnelle ou moderne – Daniel HAESINGER (Ed. JdM)Memento de la distillation moderne des fruits – A. Meyer et R. Bechler |
Sites Internet : Fédération Nationale syndicat bouilleurs de cru eau de vie naturelleSyndicats de Bouilleurs de Cru Franche Comté – BourgogneSimaco (fournisseur)Brouwland (fournisseur) |
Conseils à la FRIJ (CH) ou Vergers Vivants (F) |
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