Les vergers du Pays de Montbéliard d’hier à aujourd’hui

L’évolution des vergers sur le territoire de Pays Montbéliard Agglomération a été étudiée sur une période d’environ soixante ans par interprétation des orthophotographies de l’IGN de 1956, 1980, 2001 et 2017. L’analyse a porté sur les arbres fruitiers en zone agricole, excluant ainsi les arbres fruitiers présents dans les jardins, parcs, etc. en zone urbaine.

Méthode

La forme très reconnaissable des vergers qui se caractérise la plupart du temps par un alignement régulier des arbres rend cette identification relativement aisée. Cependant l’alignement n’est pas l’unique signe de présence d’un verger car la plupart des villages en 1956 ont une couronne fruitière avec des arbres dont la distribution spatiale est désordonnée, ces couronnes étant reconnaissables à la multitude de points entourant le village.
Par ailleurs, il est également possible que des arbres isolés soient issus d’un ancien verger et constituent en réalité des individus subsistants.

Couronne fruitière et alignement d’arbres fruitiers à Ecot en 1956


La précision et la qualité de l’orthophotographie peuvent également biaiser l’interprétation. Aussi, faut-il être prudent en manipulant les chiffres obtenus, et les considérer comme des ordres de grandeur et des tendances proches de la réalité.


Des vergers en baisse


Le résultat montre que le nombre d’arbres fruitiers en zone agricole n’a cessé de diminuer au cours des différentes périodes, passant de 157 950 en 1956 à 46 270 en 2017, soit une perte cumulée de 70% sur l’intégralité de cette période pour l’ensemble du territoire de Pays Montbéliard Agglomération.

Nombre d’arbres fruitiers estimés pour chaque année
(Sources inventaires)


Cette évolution est toutefois inégalement répartie dans le temps et dans l’espace, comme le montrent les cartes à la page suivante (fig.2 Disparition et gain des arbres fruitiers en zones agricoles entre 1956 et 2017 selon un maillage de 500m x 500m)

Augmentation des zones urbaines


La première cause de disparition est l’augmentation de la surface urbaine, qui est passée d’environ 2 6755 ha en 1956 à 6 670 hectares en 2017 (+250%), au détriment de la surface agricole. Les vergers étant principalement regroupés en couronne autour des villes, ils sont les premiers touchés par cette expansion.
Sur les deux premières périodes, cette expansion urbaine constitue le principal facteur de diminution, représentant respectivement pour la période de 1956-1980 et celle de 1980-2001, 51% et 69% des arbres fruitiers disparus de l’espace agricole. Ce phénomène se ralentit entre 2001 et 2017 mais reste élevé avec 31% des arbres disparus.

Source : www.insee.fr



Il faut toutefois préciser que les arbres touchés par l’urbanisation ne sont pas tous immédiatement supprimés et peuvent subsister dans les jardins ou enclavés au sein de « dents creuses ». Il a été estimé qu’environ 19 500 arbres fruitiers étaient inclus dans l’espace urbain de l’agglomération en 2017.

Urbanisation et disparition des arbres fruitiers à Abbevillers entre 1956 et 2017


Abandon ou suppression des arbres

La seconde cause est le non renouvellement des arbres morts enlevés, voire parfois l’arrachage des arbres. Ce phénomène est à l’origine respectivement de 40% puis de 20% des arbres fruitiers disparus sur les périodes 1956-1980 et 1980-2001, et devient la première cause de disparition entre 2001 et 2017 avec 61%.

Entre Vandoncourt et Dasle : non remplacement des fruitiers

Changement de culture


Enfin, il est constaté un phénomène d’enfrichement résultant de l’abandon de l’entretien de la végétation au pied des arbres fruitiers. La dynamique de végétation va conduire au développement de ronces puis d’arbustes et d’arbres forestiers plus denses autour des fruitiers jusqu’à ce que l’alignement d’arbres fruitiers devienne une haie.
Ce phénomène peut également toucher l’ensemble de la parcelle qui devient un bosquet. Sur chaque période, environ 10% des arbres fruitiers en zone agricole ont disparu pour cette raison.

Enfrichement de vergers abandonnés


Ces trois causes ont conduit à une fragmentation des zones de vergers et à une diminution de la densité des arbres fruitiers.


Inventaire terrain 2018-2020


Afin de caractériser ce patrimoine fruitier, des campagnes d’inventaires ont été menées entre 2018 et 2020. La méthodologie employée est similaire à celle des inventaires réalisés sur 29 communes du Pays de Montbéliard entre 2010 et 2012, reprise des inventaires suisses : repérage préalable sur orthophotographie la plus récente, puis vérification de terrain en notant différentes informations qui permettront à terme d’avoir une vue d’ensemble sur la répartition spatiale, le nombre et la répartition par espèces, la pyramide des âges des arbres et la qualité environnementale des vergers sur le territoire de PMA.
Plus de 42 000 arbres fruitiers ont été inventoriés en zone agricole (soit 8% de moins que les potentiels identifiés sur la photo-interprétation de 2017) – dont 2 456 n’ont pu être caractérisés en raison de l’inaccessibilité de plusieurs vergers.

Carte de densité d’arbres fruitiers sur PMA selon un maillage de 500 m x 500 m (Sources inventaires)

La précédente carte fait apparaître les zones d’arbres fruitiers les plus importantes (Vandoncourt, Dasle, Bavans, Mandeure, Allenjoie…). Quinze communes ont encore une population supérieure à 1 000 arbres fruitiers tandis que treize abritent moins de 100 arbres

Espèces fruitières


Trois espèces fruitières prédominent sur le territoire : pruniers (32%), cerisiers (31%) et pommiers (23%).

Répartition des espèces majoritaire sur les communes de PMA (Sources inventaires)

Âge du peuplement


La majorité des arbres est dans les phases de croissance qualifiées de « productif jeune » et « productif ancien », respectivement 29% et 47%.
Les profils sont cependant très contrastés sur PMA, la majorité des communes péri-urbaines ayant des arbres fruitiers très majoritairement vieillissants. Trois communes (Allenjoie, Hérimoncourt et Seloncourt) ont ainsi quasiment 25% d’arbres morts. D’autres, comme Beutal, Bourguignon ou Ecot ont la majorité de leur population composée d’arbres en plantation ou productif jeune.


Ainsi, près de 65% des arbres fruitiers sur le territoire de l’Agglomération sont considérés comme en déclin (productif ancien, sénescent et mort) et 35% comme peuplement d’avenir (phases plantation et productif jeune). Idéalement, ces proportions devraient être inversées pour considérer que le peuplement est viable dans le temps.

L’inventaire sur le terrain a permis de compléter les données d’interprétation de l’orthophotographie, en dressant le portrait de vergers anciens, en déclin continu depuis les années 50.
D’abord impulsée par la forte industrialisation du territoire qui a induit une importante consommation d’espace agricole, la disparition des vergers est ensuite causée par le désintérêt progressif de la population pour cette forme d’agroforesterie.
Aujourd’hui, nous observons un regain d’intérêt pour ces vergers motivé par le souci de la qualité et de l’origine de notre alimentation, par l’intégration de l’écologie dans nos mode de vie, par le besoin de se « reconnecter » à la nature. Ce phénomène est cependant limité par les difficultés d’accessibilités à la terre agricole et donc aux vergers existants abandonnés.
Reconnus pour son intérêt paysager et écologique sur le territoire, la protection des vergers est aujourd’hui l’un des enjeux de conservation de la trame verte du SCOT Nord Doubs. En application, les documents d’urbanisme locaux devront déterminer les conditions de leur conservation ou de leur reconstitution.
Cette perspective de préservation réglementaire devra toutefois s’accompagner d’une politique d’incitation à la replantation et à l’entretien des arbres fruitiers auprès des propriétaires, des communes et des agriculteurs afin de lutter contre cette déprise.

FT21web

Cliquez ici pour télécharger la fiche